Paris, 6 et 7 décembre
« Application de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées: quels concepts et indicateurs pour une politique inclusive? »
Argumentaire
Depuis le milieu des années 1970, la notion de handicap et le champ d’action des politiques qui le concernent ont été profondément réagencés. Dans les années 1970, l’essentiel des initiatives étaient prises à l’échelle nationale, en se référant à la réadaptation et à la prévention du handicap. Désormais, les grandes orientations sont de plus en plus souvent adoptées à l’échelle internationale et se déclinent en termes d’accessibilité et de droits des personnes handicapées.
Un tournant conceptuel radical a été pris : le handicap élaboré dans une perspective d’action, voire d’aide, sociales est devenu une question plus largement socio-politique et écologique, engageant désormais une reconfiguration de l’environnement dans son ensemble. Le champ d’action associé au handicap a explosé, débordant les cadres de l’action médico-sociale, interrogeant la capacité des sociétés à produire un « vivre ensemble ».
Les organisations internationales ont été depuis quarante ans une arène privilégiée d’expression des revendications du mouvement des personnes handicapées. Des débats institutionnels très vifs ont été engagés, portant au premier rang les questions de non-discrimination, de conception universelle (universal design) et de participation des usagers. Sous l’impulsion de l’ONU, l’ensemble des dispositifs nationaux et internationaux dédiés au handicap ont été soumis au débat et incité à revoir leurs orientations politiques.
Le 13 décembre 2006, l’Assemblée générale des Nations-Unies adoptait le premier grand traité du XXIe siècle en matière de droits de l’homme : la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Cette Convention a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et libertés fondamentales par les personnes handicapées et de garantir le respect de leur dignité intrinsèque. Elle repose sur une conception inclusive de la société, où tout le monde aurait les mêmes droits et les mêmes opportunités.
En avril 2012, 153 pays étaient signataires de la Convention. L’Union européenne, la France et le Canada l’ont ratifiée en 2010 ; la Belgique en 2009. Ce faisant, ils s’engagent à prendre en compte la protection et la promotion des droits des personnes handicapées dans toutes leurs politiques, et pas seulement dans le cadre de l’action sociale et médico-sociale.
En 2012, nombre d’acteurs du handicap – chercheurs, militants, professionnels…- sont engagés dans la mise en acte de ces bouleversements politiques et conceptuels, de telle sorte que la citoyenneté des personnes handicapées ne se limite pas à un droit théorique, mais trouve ses déclinaisons concrètes, dans tous les aspects de la vie des personnes et dans l’ensemble des champs sociaux. Mais les cadres théoriques et législatifs sont récents, les moyens pas toujours à la hauteur et on peine parfois à trouver les formes de réalisation de la citoyenneté qui répondent à chaque situation de handicap.
L’IFRH et le GIFFOCH, engagés l’un et l’autre dans une réflexion conceptuelle, ont organisé en fin d’année 2012 deux journées d’études destinées à étudier les liens entre l’évolution du concept de handicap et cette Convention. En effet, s’il est clair que l’évolution conceptuelle a précédé l’adoption de la Convention, il est utile de se demander désormais comment se poursuit cette évolution, et quelle est son influence sur le suivi de l’application de la Convention.
Trois axes structuraient les échanges et les journées:
– Où en est-on de l’évolution des classifications du handicap (CIF, PPH) ?
– En quoi ces classifications permettent-elles de saisir les avancées de la CDPH et de mesurer son application ?
– Comment les acteurs composent-ils des indicateurs et outils de suivi de la Convention et en quoi les classifications peuvent les aider ?
Où en est-on de l’évolution des classifications du handicap
(CIF, PPH) ?
Dès 1989, le Comité québécois sur la CIDIH s’est investi dans le travail de refonte de la CIDIH. Il a ainsi défini les concepts d’« habitudes de vie », de « facteurs environnementaux », etc., et il a abouti à la proposition d’un modèle interactif : le Processus de production du handicap (PPH). L’adoption par l’OMS de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF), en 2001 a marqué le passage d’un modèle de référence mondial du handicap de type individuel à un modèle « bio-psycho-social ».
La CIF a promu une approche interactive visant à concilier modèles individuel et social, via notamment le concept de « facteurs contextuels». Les deux classifications sont actuellement engagées dans un processus plus ou moins avancé de révision. Faire le point sur ce travail en cours est un préalable nécessaire à l’étude de l’adaptation des méthodes actuelles et à venir d’un suivi de la Convention. Les compétences du GIFFOCH, du Réseau International pour le PPH (RIPPH), et du Centre collaborateur de l’OMS pour la CIF en langue française (CCOMS) ont été mobilisées pour la première demi-journée.
En quoi les classifications permettent-elles de saisir les avancées de la CDPH et de mesurer son application ?
Nous l’avons vu, l’adoption, puis la ratification par les différents pays, de la Convention sont récentes. La mise en application de la CDPH est à l’œuvre et son ambition est immense. En effet, la Convention entend abolir toute « discrimination fondée sur le handicap », à savoir, toute distinction, exclusion ou restriction qui a pour objet ou pour effet de compromettre la reconnaissance et la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres.
La Convention engage donc les différents pays signataires à revoir leur environnement global en fonction d’une « conception universelle », de telle sorte que la conception de produits, d’équipements, de programmes et de services puissent être utilisés par tous, dans toute la mesure possible, sans nécessiter ni adaptation ni conception spéciale. Au-delà de l’espace physique, l’accessibilité exige ainsi l’abolition des barrières économiques, juridiques, cognitives et symboliques. Au regard des politiques qui ont prévalu au cours du XXe siècle, le déplacement est immense et nécessite une vigilance et un travail réflexif permanents.
Un des défis consiste à identifier l’ensemble des facteurs qui agissent et interagissent pour déterminer l’action adaptée, pour réduire ainsi la situation de handicap, sans que l’individu soit jamais catégorisé. Une question essentielle est donc de savoir si les pays signataires de la Convention et l’ONU disposent des modèles conceptuels permettant d’identifier les leviers d’action pour progresser dans l’application de la Convention d’une part, de mesurer les résultats de ces actions d’autre part.
Cette question a fait l’objet des interventions relatives à la pertinence du recours aux classifications dans cet objectif et de celles relatives aux travaux de comparabilité internationale.
Comment les acteurs composent-ils des indicateurs et outils
de suivi de la Convention et en quoi les classifications
peuvent y aider ?
Enfin, l’IFRH et le GIFFOCH ont présenté et discuté les travaux empiriques, notamment la construction d’indicateurs, menés sur le terrain par les acteurs professionnels et les chercheurs pour suivre la réalisation et évaluer et la mise en œuvre de la Convention pour les droits des personnes handicapées. Des présentations d’actions spécifiquement inspirées des objectifs de la Convention complétaient cette partie et alimentaient la réflexion.
Comment favoriser concrètement l’autodétermination des personnes ? Comment s’assurer que les personnes handicapées soient au centre des politiques du handicap quand celles-ci recouvrent tous les domaines de la vie sociale et pas seulement les questions directement en lien avec le handicap ? Qu’est-ce qu’une éducation inclusive et comment choisir les indicateurs destinés à s’assurer des progrès en la matière ? Comment évaluer si l’intégration professionnelle progresse réellement dans les divers pays d’Europe et comment s’assurer de la comparabilité des résultats ? Comment produire des indicateurs pertinents qui évaluent la mise en œuvre de la CDPH dans toutes ses déclinaisons locales particulières ?… Autant de questions que les différents formateurs, chercheurs sollicités par l’IFRH et le GIFFOCH ont exploré.
Enfin, l’importance de ces questions justifiait que ces deux journées s’achèvent sur une table ronde prospective dans le but d’identifier les thèmes essentiels et les modes d’analyse de ces sujets par les différentes équipes présentes ou représentées. Cette table ronde constituait un prélude à des projets collaboratifs impliquant différentes équipes de l’IFRH ainsi que des équipes partenaires.
Comité d’organisation
Catherine Barral (CC OMS France) , Nicolas Biard (IFPEK, France), Pierre Castelein (HELB, Belgique), Marie Cuenot (CC OMS France), Serge Ebersold (INS-HEA, France), Emmanuelle Fillion (MSSH, Chaire Handicap), Patrick Fougeyrollas (RIPPH, Canada), Pierre Gallien (Handicap International, France), Viviane Guerdan (HEP Lausanne, Suisse), Jean-Louis Korpès (HEF-TS, Suisse), Bernard Lucas (EHESP, France), Anne Marcellini (SantESiH, France), Jean-François Ravaud (IFR H, France), Pascale Roussel (EHESP-MSSH, France), William Sherlaw (EHESP, France), Dominique Velche (EHESP-MSSH, France)
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